Sunday, April 20, 2008

virtuel, émotionnel, interactivité











Image : "Nu Descendant un Escalier", de Marcel Duchamp

Appartient à l'album : Second Life












Les professeurs virtuels réagiront aux émotions des élèves
LE MONDE | 19.04.08 | 15h15 • Mis à jour le 19.04.08 | 15h15

lle s'appelle Eve. Elle porte les cheveux courts, des vêtements sport, enseigne les mathématiques et est spécialisée dans l'aide individuelle. Mais elle est loin d'être un professeur comme les autres. Eve est un personnage virtuel : plus qu'un simple logiciel, un avatar très perfectionné capable de détecter, grâce à une webcam, les réactions de son élève et d'adapter sa pédagogie.


Conçu pour les classes d'école primaire par le laboratoire du docteur Abdolhossein Sarrafzadeh, chercheur à l'université Massey d'Auckland (Nouvelle-Zélande), ce système de "tutorat affectif" (Affective Tutoring System, ATS) fonctionne grâce à une base de données d'environ 3 000 vidéos, réalisées auprès de trois professeurs dispensant leurs cours à des élèves âgés de 8 à 9 ans. Gestuelle, paroles et expressions de ces derniers ont été soigneusement décryptées et décodées. Résultat : Eve peut savoir si son élève est angoissé, perdu, en colère... et même s'il triche en comptant sur ses doigts ! La prof virtuelle réagit en conséquence en s'adressant à l'élève avec une voix humaine, agrémentée d'un sourire, d'un geste ou d'une attitude adéquats. Sans prendre véritablement de décisions, elle reproduit ce qu'auraient fait des humains dans une même situation.

"En tant qu'enseignant, je change souvent ma pédagogie quand je sens que les étudiants ne suivent pas. Je pose parfois une question ou reviens sur ce que je disais précédemment en donnant davantage d'explications", indique le docteur Sarrafzadeh, pour qui, "quand nous témoignons d'une émotion devant quelqu'un, nous nous attendons à ne pas être ignoré". A ses yeux, la même exigence pourrait être espérée des ordinateurs.

Aboutissement d'un travail de sept ans, ce nouveau système en est pour l'instant au stade du prototype. Mais, selon son créateur, Eve pourrait intervenir dans certaines écoles de Nouvelle-Zélande d'ici un an ou deux, dans une version améliorée. L'équipe du docteur Sarrafzadeh travaille en effet à étendre son système de reconnaissance émotionnelle à de nouveaux gestes, ainsi qu'à la voix de l'élève, à son regard... et même à son pouls, qui pourrait être mesuré grâce à une souris intelligente.

Eve devrait également élargir ses compétences à d'autres disciplines que les mathématiques. Et peut-être apprendre à améliorer son savoir-faire professionnel au fil des cours. A l'heure où la formation à distance et le tutorat en ligne sont en plein essor, les perspectives du système ATS pourraient donc être multiples. Y compris dans des domaines tels que la sécurité, la santé ou le commerce électronique.


Sophie Blitman
Article paru dans l'édition du 20.04.08

Un appareil d'imagerie médicale fonctionnelle couplé à un ordinateur permet de savoir quelles images sont vues par le cerveau.

Des chercheurs de l'université de Berkeley (en Californie) ont mis au point un décodeur expérimental d'images visionnées par le cerveau, qualifié par eux de «révolutionnaire». Il s'agit d'une machine d'imagerie par résonance magnétique (IRM) couplée à un enregistreur et à un système informatique sophistiqué. Ils publient leurs travaux dans la revue britannique Nature (6 mars 2008).

Attention, la machine ne lit pas les pensées, comme le prétendait hier The Guardian. Elle décode les particularités de l'activité des zones visuelles du cortex cérébral, lorsque le cerveau voit une image particulière. C'est déjà un pas décisif.

«Imaginez un dispositif de lecture généraliste de l'activité du cerveau, qui permettrait de reconstruire une image de l'expérience visuelle ressentie par un sujet à tout moment», rêve l'auteur principal Jack Gallant. «Ce décodeur visuel serait un atout scientifique décisif. Par exemple, nous pourrions l'utiliser pour trouver les différences dans les perceptions visuelles des individus, étudier les procédés mentaux comme l'attention, et peut-être même connaître le contenu visuel de phénomènes purement mentaux comme les rêves, ou l'imagination.»

Décodeurvisuel

Comment construire un décodeur visuel ? Il y a deux étapes essentielles. La première est celle de l'identification de l'image. Un peu comme dans le jeu «choisissez une carte, n'importe laquelle», les chercheurs proposent une gamme de 1 750 images répertoriées. Le sujet choisit celle qui lui plaît, et pendant qu'il la regarde, son activité cérébrale (les zones corticales visuelles V1, V2 et V3) est mesurée. Ce qui est mesuré en réalité, ce sont les variations du signal de chaque volume élémentaire (des voxels) qui composent l'image en 3D. À partir de ces variations, on peut calculer des modèles mathématiques typiques des différentes perceptions des images : autrement dit, l'activité cérébrale décodée indique avec précision quelle image est vue.

Toute la difficulté est de pouvoir identifier des images nouvelles (et non plus seulement celles qui sont répertoriées dans l'ordinateur), mais aussi d'identifier des images naturelles (par opposition à des motifs artificiels). En effet, les images naturelles ont une structure statistique très complexe et sont bien plus difficiles à paramétrer dans un ordinateur que des motifs graphiques simples.

Pour conduire leur expérimentation, les chercheurs californiens ont d'abord enregistré les données IRM des zones visuelles du cortex du cerveau lorsque les sujets regardent l'une des 1 750 images de la base de données. Chaque volume élémentaire d'une image donnée correspond donc à un modèle particulier dans les différentes dimensions (espace, orientation, fréquence). Cette bibliothèque de données leur permet ensuite de savoir quelle image les sujets de l'expérience regardent parmi les 120 images naturelles nouvelles qui leur sont proposées. Une prouesse.

«Les Américains ont travaillé sur une très grosse machine de 4teslas», indique le Pr Claude Marsault, neuroradiologue à l'hôpital Tenon à Paris. Autrement dit, une machine produisant un champ magnétique considérable, seule capable de mesurer les variations discrètes de signaux de chaque volume élémentaire d'une image. «C'est une machine de recherche pure.»

«Aujourd'hui, le fantasme de la lecture des pensées est purement et simplement de la science-fiction, car la machine ne peut “lire” que des images visuelles, pas des processus mentaux. Mais nous devons nous garder, dans 30 ou 50 ans, des garde-fous éthiques à ces intrusions dans la vie privée. Personne ne doit être soumis contre son gré à une surveillance, à une lecture de la pensée», estime Jack Gallant.


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