Monday, March 31, 2008

News about cognition, art and literature




Colloque « Roman Ingarden : ontologie, esthétique, fiction »

Organisé par le Centre de Recherches sur les Arts et le Langage (CNRS / EHESS)

et le GDR « Fiction » du CNRS

Responsables : Jean-Marie Schaeffer et Christophe Potocki

4-5 avril 2008

Bibliothèque Polonaise - 6, quai d’Orléans (île Saint-Louis) - 75004 - Paris

Roman Ingarden est sans conteste une des grandes figures de l’esthétique philosophique - et de la philosophie tout court - du XXe siècle. Pourtant sa pensée est peu présente en France, du moins hors des cercles spécialisés de la phénoménologie ou des études polonaises. Cette absence est particulièrement frappante dans le champ des travaux d’esthétique et de philosophie de l’art, mais aussi dans ceux des études littéraires ou musicologiques – pour ne nommer que deux domaines où Ingarden a apporté des contributions substantielles. C’est pourquoi le but premier de notre colloque est de réintroduire sa pensée dans les débats actuels de l’esthétique, de l’étude des arts et de la théorie de la littérature.

Nous avons donc réuni les plus éminents spécialistes de la pensée d’Ingarden, tout en ouvrant l’éventail des interventions à des chercheurs travaillant dans des directions fort différentes, mais pour qui la démarche et les conceptions d’Ingarden restent irremplaçables pour aborder certains des problèmes qu’ils se posent.


Vendredi 4 avril

Matin

Président : Rolf Fieguth (Université de Fribourg, Suisse)

9h30 Jean-Marie Schaeffer (directeur du CRAL) : Présentation du colloque

9h45 Wladyslaw Strozewski (Université Jagellonne de Cracovie) :

« Ingarden's Ontology and its Role in his Aesthetics »

10h35 Roger Pouivet (Archives Poincaré-LHSP, CNRS, Nancy-Université) :

« Défendre l’ontologie de l’art avec Ingarden »

11h15 Pause café

11h30 Patricia Limido-Heulot (Université de Rennes 2) :

« De l'objet purement intentionnel à l'objet noématique, et retour »

12h10 Jean-Marie Schaeffer (Centre de recherches sur les arts et le langage, CNRS et EHESS) : « L’esthétique d’Ingarden aujourd’hui : une mise en perspective »

13h Déjeuner

Après-midi

Président : Roger Pouivet (Archives Poincaré-LHSP, CNRS, Nancy-Université)

14h30 Rolf Fieguth (Université de Fribourg, Suisse) :

« Aspects schématisés et qualités de valeur esthétiques »

15h10 Karol Tarnowski (Académie Théologique et Université Jagellonne de Cracovie) :

« La situation des valeurs aujourd’hui. A propos de “Qu’est-ce que nous ne savons pas des valeurs ?” de Roman Ingarden »

15h50 Pause café

16h05 Wioletta Miskiewicz (Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques, CNRS, Archives de l'École Lvov-Varsovie) :

« Le concept de la situation esthétique »

16h45 Ioana Vultur (Centre de recherches sur les arts et le langage, EHESS) :

« Structure et concrétisation dans l’esthétique d’Ingarden »

Samedi 5 avril

Matin

Président : John Pier (CRAL – Université de Tours)

9h30 Brian Hill (GREGHEC/ Institut d’histoire et de philosophie des sciences et des techniques) :

« L’œuvre littéraire comme construction. Réflexions à partir d’Ingarden »

10h10 Danuta Ulicka (Université de Varsovie) :

« Time and Duration in Ingarden’s Concept of Literary Work Cognition (Bergsonian Roots of the Narrative Concept of Understanding) »

10h50 Pause café

11h05 Christophe Potocki (Centre de recherches sur les arts et le langage, CNRS) :

« Roman Ingarden : “O tlumaczeniach”/ Des traductions »

11h45 Zofia Mitosek (Université de Varsovie et Sorbonne Paris IV) :

« Attitude esthétique et fonction poétique (Roman Ingarden face au structuralisme) »

12h30 Déjeuner

Après-midi

Président : Jean-Marie Schaeffer (CRAL – CNRS et EHESS)

14h Pawel Taranczewski (Académie des Beaux-Arts et Académie Théologique de Cracovie) :

« Roman Ingarden et sa conception de la peinture : œuvre, expérience esthétique, sens, valeur »

14h40 Esteban Buch (Centre de recherches sur les arts et le langage, EHESS) :

« Une relecture d'Ingarden à la lumière de certaines tendances récentes en musicologie »

15h 20 Pause café

15h35 Hanna Konicka (Université Sorbonne Paris IV) :

« "Quelques remarques sur l'art cinématographique" (1947) de Roman Ingarden et leur portée

actuelle »

16h05 Frédéric Nef (Institut Jean Nicod, EHESS) : « Concepts et structures ontologiques de la fiction littéraire : modes d’être, moments de l’existence et vérité »

16h45 Synthèse et clôture du colloque

17h Cocktail



Wednesday, March 26, 2008

provigil modiodal

From : http://io9.com/

Provigil (AKA modafinil) has been called a wonder drug: it can keep you awake and alert for hours without side-effects, and it's even recommended as "the professor's little helper" by neuroscience researchers writing in the prestigious journal Nature. Provigil, approved by the US food and drug administration for the treatment of narcolepsy, is often prescribed "off label" for ailments like severe jet lag, ADHD, and even problems with sleep cycles. But this drug, which is supposed to be a non-addictive stimulant because it doesn't get you high, turns out to be potentially as euphoria-inducing and addictive as cocaine.

In March 2006, researcher Stefan Kruszewski wrote in The American Journal of Psychiatry:

Modanifil is reinforcing, as evidenced by its self-administration in monkeys previously trained to self-administer cocaine.
And back in 2002, an article published in Behavioral Pharmacology states:
Modafinil and cocaine dose-dependently increased heart rate and blood pressure. The results of the present study suggest that modafinil has minimal abuse potential, but should be viewed cautiously because of the relatively small sample size. Future studies should further characterize the abuse potential of modafinil using other behavioral arrangements, such as drug discrimination or drug self-administration. A full characterization of the abuse potential of modafinil will become important as the use of this drug increases.
Other reports suggest that Provigil isn't addictive at all, and would in fact work well as a cure for methamphetamine addiction. Here's a snippet from a 2006 article from Current Psychiatry Reports:
In early trials, several candidate medications--bupropion, modafinil, and, to a lesser extent, baclofen--have shown promise in treating aspects of methamphetamine dependence, including aiding memory function necessary to more effectively participate in and benefit from behavioral therapies.
With more and more people getting prescriptions for Provigil, and the drug fast catching up with Viagra for most spammy ads online, shouldn't someone be investigating just how addictive it is?

Une pilule pour une journée sans fin
LEMONDE.FR : Article publié le 23.08.04
ew York, la ville qui ne dort jamais... La devise de la grande métropole américaine est désormais à portée de main pour le commun des mortels grâce à une nouvelle molécule, le Modafinil. Commercialisée par le laboratoire américain Cephalon sous différents noms selon les pays (Provigil aux USA, Modasomil en Suisse, Modiodal en France...), cette pilule permet de se passer de sommeil et, à la différence d'autres psychostimulants, est pratiquement sans effets secondaires.

Destinée au départ uniquement aux patients souffrant de somnolence subite, ou narcolepsie, la molécule du Modafinil a rapidement attiré l'attention des experts du Pentagone qui y ont vu un moyen d'améliorer les performances des combattants, notamment des pilotes lors des longues missions. "On peut tenir jusqu'à 88 heures sans sommeil, tout en restant alerte, et sans subir les effets d'énervement et d¹angoisse que pouvaient susciter les amphétamines que l'on prescrivait avant aux pilotes de combat", explique un médecin militaire dans la revue spécialisée Pentagram. On y apprend que le Modafinil stimule également la mémoire du sujet, sa bonne humeur et ses réflexes. Bref, une véritable "pilule miracle" qui aura certainement aidé certaines unités de l'US Army dans leur progression rapide en Irak.

Connaissant les propriétés du Modafinil, la tentation est grande pour d'autres populations en manque de sommeil - étudiants en période d'examen, parents de nourrissons, "workaholics" et noctambules invétérés - de bénéficier de ses bienfaits. Une étude médicale démontre qu'aux Etats-Unis, 75 % des utilisateurs du Modafinil en consomment sans aucune raison médicale. Une attitude encouragée par les campagnes de pub initiales de Cephalon qui suggéraient que la molécule pouvait aussi bien remédier aux problèmes de fatigue chronique, de manque de concentration et de vivacité.

Le laboratoire a, depuis, été sanctionné par la Food and drug administration, l'organisme américain chargé de veiller à la bonne utilisation des médicaments, qui a jugé qu'il s'agissait ici d'un "usage inapproprié" du Modafinil. D'autant plus que les responsables américains de Cephalon avouent eux-mêmes ne pas connaître les effets à long terme de la consommation de leur molécule miracle. Ce qui ajoute encore à la perplexité des médecins et chercheurs qui travaillent sur les problèmes du sommeil : "Si vous êtes tellement occupé que vous ne trouvez pas du temps pour dormir, changez de mode de vie plutôt que de prendre un médicament", disent-ils en substance.

Tout cela n'a pas empêché certains commentateurs de voir dans le Modafinil le moyen de subsistance d'une société qui vivrait 24 h sur 24, inaugurant le mythe de la "journée sans fin". Bien plus qu¹un traitement médical, il s'agirait à l'instar du Prozac et du Viagra, d'une molécule "mode de vie" dans une société où le sommeil devient superflu, voire un luxe. Muet sur ces propriétés "connexes", le service de presse de Cephalon France qui commercialise la version française du Modafinil, le Modiodal, rappelle que ce médicament ne peut être prescrit que sur ordonnance. Tout en admettant qu'il est également possible de se procurer librement (moyennant une centaine de dollars) ce prétendu sésame vers une nouvelle ère en le commandant sur Internet.

Alexandre Lévy

n 1985, le laboratoire Lafon réalise une percée dans les médicaments du système nerveux central en mettant sur le marché le modafinil, une molécule destinée à lutter contre le besoin de sommeil. En France, le produit, commercialisé sous le nom de Modiodal, va connaître des ventes confidentielles, 40 millions de francs en 2001, du fait de la réglementation. Son usage est réservé à certaines affections neurologiques, comme la narcolepsie. Aux Etats-Unis, le même produit, baptisé Provigil, connaît un succès fulgurant : les généralistes sont en droit de le prescrire s'ils le jugent bon pour leurs patients. Or, parce qu'il améliore le niveau de vigilance, de conscience et d'éveil, Provigil séduit de nombreux Américains « fatigués ».

Outre ce produit phare et l'antispasmodique Spasfon, le laboratoire Lafon apporte trois usines et 160 visiteurs médicaux exclusifs dans l'escarcelle de son licencié aux Etats-Unis, qui est désormais son propriétaire, le groupe Cephalon.


Sunday, March 23, 2008

Miya Masaoka


miya masaoka





Miya Masaoka — musician, composer, sound artist — has created works for koto and electronics, Laser Koto, field recordings, laptop, video and written scores for ensembles, chamber orchestras and mixed choirs. In her pieces she has investigated the sound and movement of insects, as well as the physiological response of plants, the human brain and her own body. Within these varied contexts her performance work investigates the interactive, collaborative aspects of sound, improvisation, nature and society.

1 Pieces for plant

Presented as part of Lincoln Center Out of Doors, Homemade Instrument Day in New York, Pieces for Plants is an interactive sound installation for laptop, synthesizer, and the American semi-tropical climbing Philodendron. Versions of the piece have also been presented in a musical setting in which the plant participates as a member and soloist within an instrumental ensemble.

In the piece, a plant’s real-time responses to its physical environment are translated to sound. Highly sensitive electrodes are attached to the leaves of the plant. Scored movements by a human “plant player” stimulate physiological responses in the plant that are monitored via the electrodes and biofeedback wave analysis. The “plant player’s ” proximity, touch and interactions with the plant are then expressed in sound via midi and synthesizer. During the piece, the plant is brought to a range of physical/psychological states, from calm to agitation.

electrodes on plant leaves

The audience is encouraged to contemplate questions such as: What is the nature of consciousness? What is our relationship as human beings to our physical environment and to other species — plants and animals? What does it mean to be human?

During the all-day installation of the piece at Lincoln Center Out of Doors, some of the audience members came back again and again throughout the day to interact with the plant and watch others do so as well. The audience members — including children — seemed to have a special attraction to the project. A common response to the piece by audience members was a desire to talk about their relationship and experiences with plants during their lifetime, and things they had noticed which gave them an inkling that plants had extraordinary capabilities and awareness beyond what was normally attributed to plants. The piece evolved into really being about the people, their personal stories with plants, and I realized that I was brushing the surface of a deeper questions — our complex role as humans in a diverse, inter-dependent biological environment, and the potential for communication with plants that has not yet been discovered.

2 What is the Sound of 10 Naked Asian Men?

Live amplification and processing of sounds and signals from the human body. Medical equipment (EKG, EEG, heart monitors) and projected video.

3 Thinking sounds

Thinking Sounds is an interactive composition for pre-recorded brainwaves, live brainwaves of an audience member, computer and eight musicians. The SF Sound Ensemble premiered Thinking Sounds at Yerba Buena Gardens with additional performances at the ODC Theater in San Francisco. Versions of this piece have also been performed at “Beyond Music,” an electronic music series at the Schindler House in Santa Monica, CA.

Thinking Sounds, employs various musical and interpretive strategies to translate the data of brain wave activity into sound. These include:

  1. A volunteer from the audience wears the EEG brain helmet. The actual voltage output of the brain is made audible with amplification. This electrical activity is then heard in real time by the audience in a pure unadulterated state, and also processed in a computer.
  2. A graphic representation of pre-recorded brainwaves is superimposed upon a musical grand staff to create the pitch relationships and generate a written score. The musicians then “perform” the brainwaves and the expressive, gestural relationships that the waves imply.
  3. The brain wave activity is interpreted via midi and mapped to a synthesizer where the waves are expressed in pitch, time and timbral relationships. The musicians then improvise with the midi output of the synthesizer.
  4. In the final section, players perform an orchestrated rendition of the differentiated data of beta, theta, alpha, delta and eye movement.

The SF Sound Ensemble members are: Matt Ingalls, clarinet; Hugh Livingston, cello; Tom Swafford, violin; David Birthelle, trumpet; John Shiurba, guitar; John Ingalls, saxophone; and Rakesh Khanna, percussion.

Thinking Sounds is dedicated to David Rosenboom in recognition of his tremendous, intrepid research and creative work in brain wave activity.

4 Article: Koto no tankyu

(Koto explorations)

by Miya Masaoka
Institute for Studies in American Music Newsletter, Volume XXV, Number 2, Spring, 1996

I am a kotoist and composer, simultaneously navigating the varied worlds of traditional gagaku music (Japanese court orchestral music), new music, jazz, improvised and electronic music. Classically trained and holding degrees in both Western and Eastern music, I have been informed and inspired by performances with a wide variety of musicians, including Pharoah Sanders, whose music resonates with a sense of spirituality; L. Subramanian, virtuoso Indian violinist; Alvin Curran, avant-garde composer, the Cecil Taylor Orchestra, led by Cecil Taylor, who has spearheaded a deconstructionist concept, Steve Coleman, brilliant saxophonist/composer, Francis Wong and Mark Izu, leaders in Asian American jazz; Henry Kaiser and Fred Frith, guitar improvisers; George Lewis, innovative trombonist/composer/programmer; Roham de Saram of the Arditti String Quartet, who taught me bowing techniques; and my esteemed gagaku teacher, Suenobu Togi.

Over the years I have moved gradually from playing traditional koto, under my first koto teacher, Seiko Shimaoka, to developing my own approach to technique and vocabulary. The transition was at first tenuous, and I often feared that Shimaoka would attend one of my concerts outside of the traditional koto sphere. While she never did so, at one lesson she mentioned any disobedient student could be expelled from the school and have their costly koto certificates revoked if the teacher requested. Feeling vaguely guilty, I immediately apologized for any potential problem I might be creating. Yet, at the next lesson, she spoke proudly of an article she had read about me in the local Japanese newspaper, and, over the years, she has come to support my efforts.

The koto is a Japanese zither-like instrument with an ancient history. Koto is an abbreviation of “kami no nori koto” — the oracles of the gods. It has deep roots in the spiritual practice of Shintoism, and to a lesser extent, Buddhism. In gagaku and Shintoism the instruments are sacred; they are gods embodying spirits, just as trees, stones and air do. To pluck the string of a koto, for example, is to release its spirit/soul, its sound. In studying koto, the student becomes the koto, as the drummer becomes the drum. (“Become the fourteenth bridge,” my teacher used to say.) To lose a sense of self, to become one with the instrument — these ideals are the main ideals.

Anika Mignotte


Anika Mignotte


Née en 1967 à Versailles. Vit à Boulogne-Billancourt.

Les travaux d’Anika Mignotte répondent aux recherches des sciences cognitives sur l’émergence des états de conscience. En particulier à travers les propositions de Francisco Varela (auto-organisation / dynamic core / radical-embodiment / enaction / selfless self ).

Depuis la mise en place de son installation immersive « Labo Corps-Mental » en 2004, elle développe un projet de « cognition-création de soi » dont l’enjeu est de ré-articuler la notion d’oeuvre d’art à celles d’écran mental et d’émergence du «sentiment de soi / sentiment de l’autre».

Au-delà de la dualité «ontologie / phénoménologie», il s’agit de reconsidérer le phénomène émotionnel comme vecteur essentiel de co-création du monde, de «faire monde» avec autrui et l’environnement. Cette conscience co-générée engage la réflexion vers une nouvelle pratique de l’organicité interactive entre «le cerveau, le corps et le monde».

A N I K A M I G N O T T E / ATELIER " COGNITION - CREATION " ( de soi )
lundi, 16 janvier 2006
/ ANIKA MIGNOTTE / Ermite, adepte de la mentalisation et des câlins avec les chats, Anika suspend le décor, et observe … Les images la fabriquent ; elle leur rend aussi un peu ! L’émotion la hisse ; elle en use et en abuse …
Plus sérieusement, physiologie, mental, émotion et création " de soi " sont ses domaines de pratique et de question. Autrui, la cellule et la transcendance sont ses obsessions.
Et le temps passe, et cela fait des années … qu’elle peint avec l’eau et immerge ses visiteurs dans des cabines-membranes numériques, des conversations empathiques, sans aucun mystère pour ceux qui les pratiquent … " de l’intérieur ".
Ses compagnons de formalisation : Francisco Varela et Jean Decety.

Anika Mignotte est un être rare.
Depuis longtemps et du fond de " sa retraite ", elle médite et explore les " mystères " et les " vérités " qui structurent et/ou ruinent les potentialités du vivre en soi, dans les autres, dans la création, dans le monde.
Accompagnée par les travaux de Francisco Varela, de Jean Decety, de scientifiques, d’artistes, d’initiés de tous horizons de l’existence, elle va ouvrir dans SKLUNK, dès le numéro de février 2006, un espace dédié à la transmission des enjeux de ces travaux fondateurs.
Nous allons nommer ce lieu " atelier Cognition - Création " ( de soi ), et nous aurons rendez-vous, ici, chaque mois, pour cette exploration rugueuse, rigoureuse et lumineuse finalement.


Le Labo Corps_Mental

Une installation / laboratoire qui enregistre la physiologie émotionnelle
des visiteurs pour l’inscrire, en temps réel, dans une représentation
graphique fluctuante. Un dialogue émotionnel et esthétique orchestré
par aniKa mignotte.
Stéphane Sikora ( développement Intelligence Artificielle ) / Michel Redolfi ( univers sonores ) / Nathalie
Wolberg ( création espace design )
Une co-production Le_Pôle / Qualium_Data en partenariat avec Thought Technology et la BFE –2004
Du 29 septembre au 30 octobre, du mardi au dimanche de 12h à 18h
Espace Landowski – Entrée Salle des Conférences – 28, avenue André-Morizet
Entrée libre, possibilité de rendez-vous par mail : akmi@corps-mental.com
«
L’exposition intercepte le travail en cours de l’artiste, le présente en l’état : au moment où il
commence à se constituer dans/avec la nécessité du visiteur. Le Labo Corps_Mental est la
première escale d’une démarche qui ne peut se développer qu’avec « l’humain qui se livre »,
qui « se donne à connaître ». De l’humain, le Labo souhaite recueillir, enregistrer, analyser, la
physiologie vivante de l’éprouvé émotionnel. Chaque visiteur est donc invité à un moment de
repos / expérience intérieure, soustraite aux espaces extérieurs, redirigée vers le continuum
intérieur : sensoriel, perceptif, imaginatif, mettant à l’oeuvre en soi la phénoménologie tant
physique que subjective, l’une l’autre co-générées dans le plus grand mystère.
Le visiteur est équipé de capteurs physiologiques : rythme cardiaque, tension artérielle,
fréquence respiratoire, réponse électrodermale (sueur de la main) et thermovasculaire. Les
données issues des capteurs subissent alors un traitement informatique temps réel dit « multiagents
de représentation ». Le résultat en est un continuum visuel, ou « scanner émotionnel »,
permettant au visiteur d’établir un flux perceptif continu avec la marque dynamique de sa
physiologie en cours –physiologie d’arrière plan, et physiologie soumise à sa réactivité
émotionnelle spontanée. Le continuum visuel est vidéoprojeté sur la face « plafond » de la
couche semi-immersive –spécialement designée pour l’exposition, sur laquelle il est allongé.
Le guide / stimulateur de son expérience émotionnelle, le visiteur le confiera à ses capacités
d’écoute : nous avons en effet demandé au compositeur Michel Redolfi de concevoir un
protocole sonore immergeant l’auditeur dans tous types de mondes soniques. Le continuum
visuel livrera donc le secret d’un « corps physiologique et psychique en écoute ».
Les données laissées par les visiteurs seront précieusement conservées pour analyse, et seront
corrélées avec ce que chacun voudra, ou pourra ( s’il le souhaite ), transcrire verbalement de
ce qu’il vient de vivre, de ce qu’il a traversé, de « comment il se sent ». La mise au point du
système final visant ( dans un environnement totalement immersif sous membrane ) à ce que
le « noyau intelligent » gagne en autonomie perceptive et active ( enactive ) en « apprenant
au fil des visiteurs » : en apprenant à percevoir les patterns de leur « physiologie
émotionnelle » pour progressivement « établir une relation avec elle ».
Des partenaires en Sciences Cognitives accompagnent le binôme aniKa mignotte - Stéphane
Sikora, développeur en intelligence artificielle du projet.


Les Innommables


Séries vidéo
Une production Qualium_Data –2004
Du 29 septembre au 30 octobre, du mardi au dimanche de 13h à
18h
Espace Landowski – Galerie des vidéastes – 28, avenue André-Morizet
Entrée libre
Les Innommables, … celles que l’artiste n’a de cesse de créer sans
pour autant pouvoir les nommer, parce que surgies de l’informe du
vivant, cellulaire souvent, ou du mental souffrant, ou de la vie
farouche : celles de la Vie tout simplement. Des vidéos que l’artiste
livre telles quelles sur 6 moniteurs dans un jeu de piano musical
permanent entre “mondes”.
Ces “matières vidéo” brutes sont de celles qui constituent déjà le
contenu visuel du continuum de Corps_Mental, et qui à l’avenir en
constitueront également le contenu narratif via les “mondes mentaux”.





Saturday, March 22, 2008

The science of religion 1













The science of religion



Where angels no longer fear to tread

Mar 19th 2008
From The Economist print edition

Science and religion have often been at loggerheads. Now the former has decided to resolve the problem by trying to explain the existence of the latter

BY THE standards of European scientific collaboration, €2m ($3.1m) is not a huge sum. But it might be the start of something that will challenge human perceptions of reality at least as much as the billions being spent by the European particle-physics laboratory (CERN) at Geneva. The first task of CERN's new machine, the Large Hadron Collider, which is due to open later this year, will be to search for the Higgs boson—an object that has been dubbed, with a certain amount of hyperbole, the God particle. The €2m, by contrast, will be spent on the search for God Himself—or, rather, for the biological reasons why so many people believe in God, gods and religion in general.

“Explaining Religion”, as the project is known, is the largest-ever scientific study of the subject. It began last September, will run for three years, and involves scholars from 14 universities and a range of disciplines from psychology to economics. And it is merely the latest manifestation of a growing tendency for science to poke its nose into the God business.

Religion cries out for a biological explanation. It is a ubiquitous phenomenon—arguably one of the species markers of Homo sapiens—but a puzzling one. It has none of the obvious benefits of that other marker of humanity, language. Nevertheless, it consumes huge amounts of resources. Moreover, unlike language, it is the subject of violent disagreements. Science has, however, made significant progress in understanding the biology of language, from where it is processed in the brain to exactly how it communicates meaning. Time, therefore, to put religion under the microscope as well.

I have no need of that hypothesis

Explaining Religion is an ambitious attempt to do this. The experiments it will sponsor are designed to look at the mental mechanisms needed to represent an omniscient deity, whether (and how) belief in such a “surveillance-camera” God might improve reproductive success to an individual's Darwinian advantage, and whether religion enhances a person's reputation—for instance, do people think that those who believe in God are more trustworthy than those who do not? The researchers will also seek to establish whether different religions foster different levels of co-operation, for what reasons, and whether such co-operation brings collective benefits, both to the religious community and to those outside it.

It is an ambitious shopping list. Fortunately, other researchers have blazed a trail. Patrick McNamara, for example, is the head of the Evolutionary Neurobehaviour Laboratory at Boston University's School of Medicine. He works with people who suffer from Parkinson's disease. This illness is caused by low levels of a messenger molecule called dopamine in certain parts of the brain. In a preliminary study, Dr McNamara discovered that those with Parkinson's had lower levels of religiosity than healthy individuals, and that the difference seemed to correlate with the disease's severity. He therefore suspects a link with dopamine levels and is now conducting a follow-up involving some patients who are taking dopamine-boosting medicine and some of whom are not.

Such neurochemical work, though preliminary, may tie in with scanning studies conducted to try to find out which parts of the brain are involved in religious experience. Nina Azari, a neuroscientist at the University of Hawaii at Hilo who also has a doctorate in theology, has looked at the brains of religious people. She used positron emission tomography (PET) to measure brain activity in six fundamentalist Christians and six non-religious (though not atheist) controls. The Christians all said that reciting the first verse of the 23rd psalm helped them enter a religious state of mind, so both groups were scanned in six different sets of circumstances: while reading the first verse of the 23rd psalm, while reciting it out loud, while reading a happy story (a well-known German children's rhyme), while reciting that story out loud, while reading a neutral text (how to use a calling card) and while at rest.

Dr Azari was expecting to see activity in the limbic systems of the Christians when they recited the psalm. Previous research had suggested that this part of the brain (which regulates emotion) is an important centre of religious activity. In fact what happened was increased activity in three areas of the frontal and parietal cortex, some of which are better known for their involvement in rational thought. The control group did not show activity in these parts of their brains when listening to the psalm. And, intriguingly, the only thing that triggered limbic activity in either group was reading the happy story.

Dr Azari's PET study, together with one by Andrew Newberg of the University of Pennsylvania, which used single-photon emission computed tomography done on Buddhist monks, and another by Mario Beauregard of the University of Montreal, which put Carmelite nuns in a magnetic-resonance-imaging machine, all suggest that religious activity is spread across many parts of the brain. That conflicts not only with the limbic-system theory but also with earlier reports of a so-called God Spot that derived partly from work conducted on epileptics. These reports suggested that religiosity originates specifically in the brain's temporal lobe, and that religious visions are the result of epileptic seizures that affect this part of the brain.

Though there is clearly still a long way to go, this sort of imaging should eventually tie down the circuitry of religious experience and that, combined with work on messenger molecules of the sort that Dr McNamara is doing, will illuminate how the brain generates and processes religious experiences. Dr Azari, however, is sceptical that such work will say much about religion's evolution and function. For this, other methods are needed.

Dr McNamara, for example, plans to analyse a database called the Ethnographic Atlas to see if he can find any correlations between the amount of cultural co-operation found in a society and the intensity of its religious rituals. And Richard Sosis, an anthropologist at the University of Connecticut, has already done some research which suggests that the long-term co-operative benefits of religion outweigh the short-term costs it imposes in the form of praying many times a day, avoiding certain foods, fasting and so on.

Leviticus's children

On the face of things, it is puzzling that such costly behaviour should persist. Some scholars, however, draw an analogy with sexual selection. The splendour of a peacock's tail and the throaty roar of a stag really do show which males are fittest, and thus help females choose. Similarly, signs of religious commitment that are hard to fake provide a costly and reliable signal to others in a group that anyone engaging in them is committed to that group. Free-riders, in other words, would not be able to gain the advantages of group membership.

To test whether religion might have emerged as a way of improving group co-operation while reducing the need to keep an eye out for free-riders, Dr Sosis drew on a catalogue of 19th-century American communes published in 1988 by Yaacov Oved of Tel Aviv University. Dr Sosis picked 200 of these for his analysis; 88 were religious and 112 were secular. Dr Oved's data include the span of each commune's existence and Dr Sosis found that communes whose ideology was secular were up to four times as likely as religious ones to dissolve in any given year.

A follow-up study that Dr Sosis conducted in collaboration with Eric Bressler of McMaster University in Canada focused on 83 of these communes (30 religious, 53 secular) to see if the amount of time they survived correlated with the strictures and expectations they imposed on the behaviour of their members. The two researchers examined things like food consumption, attitudes to material possessions, rules about communication, rituals and taboos, and rules about marriage and sexual relationships.

As they expected, they found that the more constraints a religious commune placed on its members, the longer it lasted (one is still going, at the grand old age of 149). But the same did not hold true of secular communes, where the oldest was 40. Dr Sosis therefore concludes that ritual constraints are not by themselves enough to sustain co-operation in a community—what is needed in addition is a belief that those constraints are sanctified.

Dr Sosis has also studied modern secular and religious kibbutzim in Israel. Because a kibbutz, by its nature, depends on group co-operation, the principal difference between the two is the use of religious ritual. Within religious communities, men are expected to pray three times daily in groups of at least ten, while women are not. It should, therefore, be possible to observe whether group rituals do improve co-operation, based on the behaviour of men and women.

To do so, Dr Sosis teamed up with Bradley Ruffle, an economist at Ben-Gurion University, in Israel. They devised a game to be played by two members of a kibbutz. This was a variant of what is known to economists as the common-pool-resource dilemma, which involves two people trying to divide a pot of money without knowing how much the other is asking for. In the version of the game devised by Dr Sosis and Dr Ruffle, each participant was told that there was an envelope with 100 shekels in it (between 1/6th and 1/8th of normal monthly income). Both players could request money from the envelope, but if the sum of their requests exceeded its contents, neither got any cash. If, however, their request equalled, or was less than, the 100 shekels, not only did they keep the money, but the amount left was increased by 50% and split between them.

Dr Sosis and Dr Ruffle picked the common-pool-resource dilemma because the communal lives of kibbutz members mean they often face similar dilemmas over things such as communal food, power and cars. The researchers' hypothesis was that in religious kibbutzim men would be better collaborators (and thus would take less) than women, while in secular kibbutzim men and women would take about the same. And that was exactly what happened.

Big father is watching you

Dr Sosis is not the only researcher to employ economic games to investigate the nature and possible advantages of religion. Ara Norenzayan, an experimental psychologist at the University of British Columbia, in Vancouver, has conducted experiments using what is known as the dictator game. This, too, is a well-established test used to gauge altruistic behaviour. Participants receive a sum of money—Dr Norenzayan set it at $10—and are asked if they would like to share it with another player. The dictator game thus differs from another familiar economic game in which one person divides the money and the other decides whether to accept or reject that division.

As might be expected, in the simple version of the dictator game most people take most or all of the money. However, Dr Norenzayan and his graduate student Azim Shariff tried to tweak the game by introducing the idea of God. They did this by priming half of their volunteers to think about religion by getting them to unscramble sentences containing religious words such as God, spirit, divine, sacred and prophet. Those thus primed left an average of $4.22, while the unprimed left $1.84.

Exactly what Dr Norenzayan has discovered here is not clear. A follow-up experiment which primed people with secular words that might, nevertheless, have prompted them to behave in an altruistic manner (civic, jury, court, police and contract) had similar effects, so it may be that he has touched on a general question of morality, rather than a specific one of religion. However, an experiment carried out by Jesse Bering, of Queen's University in Belfast, showed quite specifically that the perceived presence of a supernatural being can affect a person's behaviour—although in this case the being was not God, but the ghost of a dead person.

Illustration by Stephen Jeffrey

Dr Bering, too, likes the hypothesis that religion promotes fitness by promoting collaboration within groups. One way that might work would be to rely not just on other individuals to detect cheats by noticing things like slacking on the prayers or eating during fasts, but for cheats to detect and police themselves as well. In that case a sense of being watched by a supernatural being might be useful. Dr Bering thus proposes that belief in such beings would prevent what he called “dangerous risk miscalculations” that would lead to social deviance and reduced fitness.

One of the experiments he did to test this idea was to subject a bunch of undergraduates to a quiz. His volunteers were told that the best performer among them would receive a $50 prize. They were also told that the computer program that presented the questions had a bug in it, which sometimes caused the answer to appear on the screen before the question. The volunteers were therefore instructed to hit the space bar immediately if the word “Answer” appeared on the screen. That would remove the answer and ensure the test results were fair.

The volunteers were then divided into three groups. Two began by reading a note dedicating the test to a recently deceased graduate student. One did not see the note. Of the two groups shown the note, one was told by the experimenter that the student's ghost had sometimes been seen in the room. The other group was not given this suggestion.

The so-called glitch occurred five times for each student. Dr Bering measured the amount of time it took to press the space bar on each occasion. He discarded the first result as likely to be unreliable and then averaged the other four. He found that those who had been told the ghost story were much quicker to press the space bar than those who had not. They did so in an average of 4.3 seconds. That compared with 6.3 seconds for those who had only read the note about the student's death and 7.2 for those who had not heard any of the story concerning the dead student. In short, awareness of a ghost—a supernatural agent—made people less likely to cheat.


Who is my neighbour?

It all sounds very Darwinian. But there is a catch. The American communes, the kibbutzim, the students of the University of British Columbia and even the supernatural self-censorship observed by Dr Bering all seem to involve behaviour that promotes the group over the individual. That is the opposite of Darwinism as conventionally understood. But it might be explained by an idea that most Darwinians dropped in the 1960s—group selection.

The idea that evolution can work by the differential survival of entire groups of organisms, rather than just of individuals, was rejected because it is mathematically implausible. But it has been revived recently, in particular by David Sloan Wilson of Binghamton University, in New York, as a way of explaining the evolution of human morality in the context of inter-tribal warfare. Such warfare can be so murderous that groups whose members fail to collaborate in an individually self-sacrificial way may be wiped out entirely. This negates the benefits of selfish behaviour within a group. Morality and religion are often closely connected, of course (as Dr Norenzayan's work confirms), so what holds for the one might be expected to hold for the other, too.

Dr Wilson himself has studied the relationship between social insecurity and religious fervour, and discovered that, regardless of the religion in question, it is the least secure societies that tend to be most fundamentalist. That would make sense if adherence to the rules is a condition for the security which comes from membership of a group. He is also interested in what some religions hold out as the ultimate reward for good behaviour—life after death. That can promote any amount of self-sacrifice in a believer, up to and including suicidal behaviour—as recent events in the Islamic world have emphasised. However, belief in an afterlife is not equally well developed in all religions, and he suspects the differences may be illuminating.

That does not mean there are no explanations for religion that are based on individual selection. For example, Jason Slone, a professor of religious studies at Webster University in St Louis, argues that people who are religious will be seen as more likely to be faithful and to help in parenting than those who are not. That makes them desirable as mates. He plans to conduct experiments designed to find out whether this is so. And, slightly tongue in cheek, Dr Wilson quips that “secularism is very maladaptive biologically. We're the ones who at best are having only two kids. Religious people are the ones who aren't smoking and drinking, and are living longer and having the health benefits.”

That quip, though, makes an intriguing point. Evolutionary biologists tend to be atheists, and most would be surprised if the scientific investigation of religion did not end up supporting their point of view. But if a propensity to religious behaviour really is an evolved trait, then they have talked themselves into a position where they cannot benefit from it, much as a sceptic cannot benefit from the placebo effect of homeopathy. Maybe, therefore, it is God who will have the last laugh after all—whether He actually exists or not.

Friday, March 21, 2008

On cognitive capitalism : cognitariat et netariat





Blue brain project: http://bluebrain.epfl.ch/
Network stimulation



Tiré de : Transversales/sciences et culture : Le 10 septembre 2007 par Jean Zin

Le capitalisme cognitif


Le capitalisme cognitif, la nouvelle grande transformation, Yann Moulier-Boutang, Editions Amsterdam


Malgré un large accord sur la plupart des analyses, nous discuterons cependant les deux thèses qui justifient son titre, d’abord le fait que l’économie "cognitive" plus que l’économie de l’information caractériserait notre époque, mais surtout le fait que le capitalisme soit vraiment compatible avec cette nouvelle économie de l’immatériel, alors que tout montre au contraire son inadaptation, aussi bien sur les droits de propriété que sur le salariat : c’est véritablement un nouveau système de production.

Le plus contestable, sans doute, dans sa "vision du monde", vient de Toni Négri : cette idée saugrenue que la "puissance constituante" serait du côté des Multitudes, comme si cette prise en masse recouvrait une quelconque unité ou capacité d’action, nous accablant ensuite du choix de nos oppresseurs : c’est le valet qui fait le maître, c’est l’ouvrier qui fait le patron, c’est le consommateur qui fait le marché, mon oeil ! L’accès aux réseaux, aux ordinateurs, aux téléphones portables ne sont certainement pas des "conquêtes ouvrières" (p56) ! Il semble bien que ce soit le concept d’externalités positives pris de façon un peu trop gobalisante qui mène à ces erreurs de perspective, tout comme il l’amène à flirter avec "l’ordre spontané" de Hayek ou bien à faire un peu trop confiance à une "intelligence collective" qui est plutôt à construire. Il faudrait mieux distinguer les effets collectifs de leurs multiples acteurs car ce qui est déterminant dans un système, ce ne sont pas ses éléments et leur supposé libre-arbitre, c’est le principe organisateur. C’est pourquoi nous avons à nous organiser collectivement contre ce qui nous menace, contre l’administration des choses, refuser l’inacceptable et construire une alternative, ce qui est bien difficile en effet, plutôt que de se fier à une résistance diffuse des Multitudes. Tout aussi contestable me semble le rôle qu’aurait joué la "critique artiste" dans les transformations du capitalisme selon Luc Boltanski, les véritables causes sont plus matérielles !

Ce n’est donc pas sur le plan politique qu’on se retrouvera vraiment, mais bien plus sur l’analyse économique de ce qu’il appelle le "capitalisme cognitif" et de ses contradictions. Le plus intéressant c’est effectivement cette synthèse originale de l’analyse économique des transformations en cours, mêlant école de la régulation, théorie de l’évolutionnisme, développement endogène, externalités, coûts de transaction, rationalité limitée, etc. Impossible de faire une véritable recension du livre qui détaille tout ce qui oppose les évolutions actuelles avec le modèle industriel, notamment ses conséquences sur les droits de propriété ou la nécessité d’un revenu garanti, propositions où l’accord est total. On peut d’autant plus s’étonner de l’insistance à garder malgré tout l’ancien cadre du capitalisme alors que tous ses rapports de production manifestent douloureusement leurs contradictions avec les nouvelles forces productives ! Bien qu’on parle à l’évidence de la même chose, la querelle ne se limite pas au vocabulaire à déplacer l’accent sur l’information, plutôt que sur le "cognitif", et sur l’indispensable sortie du capitalisme salarial au profit du travail autonome et de "l’économie quaternaire". S’il ne fait pas de doute que le capitalisme, à la fois, reste dominant et se transforme profondément, est-ce dire que c’est notre avenir pour autant ? On peut estimer au contraire que tout laisse à penser que non !

Information et connaissances

Commençons par le moins important, sans doute, par ce que l’expression de capitalisme "cognitif" peut avoir d’un peu trop optimiste. Il l’oppose, avec quelques raisons, aussi bien à la "société de l’information" (ou de la communication) qu’au "capitalisme technologique" ou même à une simple "économie reposant sur la connaissance". Voyons ses arguments :

« Tout se passe comme si après avoir cherché vainement le secteur qui succéderait à l’automobile pour tirer la croissance, on était venu à penser à un fordisme renouvelé par le secteur de production de la connaissance. Or la transformation touche la totalité de l’économie et détruit jusqu’à l’idée très manufacturière d’un secteur porteur. Le second malentendu concerne le terme même d’économie pour désigner une transformation du capitalisme ». p61

« L’économie ne repose pas sur la connaissance (la société elle, oui), mais sur l’exploitation de la connaissance ». p215

« Ce qui caractérise donc le capitalisme cognitif, ce n’est donc pas qu’il repose sur les connaissance et encore moins sur le secteur limité qui produit des connaissances (les départements R&D des grandes entreprises ou les investissements en machines employées dans ce secteur). Il conquiert ses titres de noblesse et son rang dans la prospection, dans la valorisation et dans l’exploitation des éléments des connaissances qui résistent à la codification numérique et qui incorporent le maximum d’externalités positives. Nous avons nommé cette particularité l’exploitation de la force inventive du travail vivant ou l’exploitation de degré deux ». p216

« La première limite de la thèse de la société de l’information est que, comme la précédente, elle oublie la nature capitaliste de la société (...) Mais le reproche le plus important à lui adresser est la confusion qu’elle entretient entre information et connaissance. Et du même coup la réduction de la seconde à la première ». p62

« La connaissance est irréductible à l’information (...) Cette distinction n’est pas seulement vitale pour le capitalisme cognitif, elle l’est pour une perspective de libération de la société et nous permet d’échapper à une vision profondément pessimiste qui affleure chez Lawrence Lessig ou Philippe Aigrain. S’il n’est question que de biens-informations et que pour les valoriser sur le marché il faut en limiter les droits d’accès, la lutte pour la liberté de l’Internet est mal partie (...) Le capitalisme cognitif s’intéresse à la valorisation de l’intelligence et de l’innovation, pas à celle de l’information (...) Pour être productif, il est condamné à vivre avec des degrés nouveaux et inouïs de liberté ». p63

« A la différence des théories du capitalisme de la connaissance ou de la société de l’information, l’accent est mis sur l’appropriation humaine des connaissances instrumentée par la technique ainsi que sur l’organisation comme résultat d’un compromis social qui parvient à construire des contrats privés et à établir des normes publiques ». p69

« Le capitalisme cognitif produit des connaissances au moyen de connaissances et du vivant au moyen du vivant ». p85

« Le mode de production du capitalisme cognitif (...) repose sur le travail de coopération des cerveaux réunis en réseau au moyen d’ordinateurs ». p87

« Il en résulte que le capital humain et la qualité de la population sont devenus d’ores et déjà le facteur crucial de la nouvelle richesse des nations ». p88

On voit que l’essentiel de l’argumentation consiste à mettre le "travail vivant" au coeur du processus en rejetant un déterminisme technologique "dans lequel les usages sociaux de la technique ne jouent qu’un rôle très secondaire" (p65). La valeur se réfugie désormais dans ce qui ne peut être programmé, dans la capacité de résolution de problèmes. C’est ce qui lui fait définir le "capitalisme cognitif" comme "la production du vivant au moyen du vivant". Ce n’est pas du tout sans pertinence, on peut cependant trouver que cela ne recouvre pas entièrement tous les effets de la "révolution numérique" qui est bien d’abord un fait technologique même si, effectivement, il renforce ce que nous pouvons avoir de spécifiquement humain ! A mesure que l’automatisation se généralise, ce n’est plus notre "force" de travail qui est valorisée mais bien notre intelligence, nos relations, nos émotions, notre créativité. Est-ce que tout cela peut être englobé sous le terme de capacité cognitive ? Ce n’est pas sûr, de même qu’insister sur le "travail vivant" reste trop général et un peu trop optimiste en escamotant l’infrastructure informatique omniprésente et la domination de la technique qui pénètre tous les interstices de la vie. La détermination n’est pas seulement intérieure, subjective, il y a aussi une détermination extérieure, matérielle !

La dimension cognitive est bien sûr très importante et même cruciale pour notre époque. On peut penser ainsi que la construction d’une "démocratie cognitive" est absolument vitale pour résoudre les problèmes écologiques auxquels nous avons à faire face, mais cela n’empêche pas qu’on ne peut ranger toutes les caractéristiques du devenir immatériel de l’économie sous cette rubrique. Paradoxalement ce devenir immatériel est un fait extérieur, qui s’impose matériellement et transforme la subjectivité ! Parler d’économie de l’information serait plus approprié à condition d’avoir une conception moins caricaturale de l’information que l’auteur qui la réduit aux "données". L’information, bien sûr, ne vaut rien en elle-même, sans le récepteur pour lequel elle fait sens, mais qui n’est pas forcément un organisme vivant. Il n’y a pas d’information circulante sans information structurante (organisation apprenante). J’avais essayé de montrer, notamment dans "L’ère de l’information" cosignée par Jacques Robin, toute la complexité de l’information et ce qui l’opposait à l’énergie (entre autres son improbabilité, sa discontinuité, sa non-linéarité, son imperfection, sa reproductibilité, son caractère de signe, sa fonction anti-entropique, etc.). Impossible de tout reprendre ici mais en remontant à son fondement on éclaire singulièrement les caractéristiques de notre époque même s’il est amusant de noter qu’une des critiques que Philippe Aigrain avait adressées à ce texte était justement qu’il ne faisait pas une assez grande place à l’informatique et son caractère modulaire, fonctionnant par couches successives, ainsi qu’à la dualité programme / données, loin de tout réduire aux données. "L’extériorisation dans des objets techniques de fonctions de l’esprit, révolution similaire à l’émergence du signe et de l’écriture, est la dimension humaine de la révolution informationnelle". S’il y a donc bien humanisation d’un côté, c’est en contre-partie d’une technicisation. En tout cas, sans réduire l’économie informationnelle aux données, il serait dangereux de sous-estimer leur rôle stratégique pour ce que Ian Ayres appelle les “Super Crunchers”, et qui pourraient devenir les prochains maîtres du monde grâce au contrôle de données essentielles ! On ne peut se fier à la réelle nécessité du partage du savoir et de l’information, dans un monde du spectacle et de la transparence où le pouvoir devient nécessairement occulte...

On pourrait faire la liste de tout ce qui ne relève pas du cognitif dans l’économie informationnelle, et que d’ailleurs Yann Moulier-Boutang est loin d’ignorer. D’abord tout ce qui relève de la captation des flux et du contrôle de l’accès (qui se manifeste sous forme d’abonnements par exemple). L’innovation elle-même n’est pas nécessairement cognitive dans l’univers médiatique et publicitaire où ce qui compte c’est la différenciation, la visibilité, de se faire remarquer (donnant une prime à l’outrance). Du coup, ce n’est pas du tout un phénomène cumulatif, comme peut l’être l’acquisition de connaissances. L’économie de l’attention, qui devient effectivement décisive dès lors que c’est la ressource rare quand l’information est surabondante et que les canaux de communication sont saturés, n’est pas non plus réductible au cognitif, pas plus que les "flux tendus" et l’économie de la demande qui se règle en temps réel sur l’information client. Ce serait aller un peu vite en besogne aussi que de prêter aux réseaux une fonction cognitive quand la plupart du temps ce qui compte n’est rien que la connectivité elle-même. Enfin, ce n’est pas seulement la passion de la connaissance qui anime les accrocs du numérique mais plus encore la passion de la reconnaissance (et du jeu). Le cognitif n’est ici qu’une partie, certes importante, ce n’est pas le tout.

« Dans une société de l’information ou dans une économie reposant sur le savoir, le potentiel de valeur économique que recèle l’activité est une affaire d’attention, d’intensité, de création, d’innovation ». p218

Au-delà du capitalisme

Venons-en au fait. Est-ce une "nouvelle économie" post-capitaliste qui s’annonce, et dont les symptômes de l’inadaptation au capitalisme sont légion, ou bien ne s’agit-il que d’une évolution du capitalisme ? Sur ce point Yann Moulier-Boutang est catégorique, bien qu’il souligne toutes les contradictions et l’instabilité de ce nouveau capitalisme.

« Le second malentendu concerne lui le terme même d’économie pour désigner une transformation du capitalisme. Nous ne sommes pas en train de parler de l’économie comme une instance de la société à côté d’autres instances, mais de capitalisme ». p61

« Le capitalisme cognitif est bel et bien une tendance réalisée, un type nouveau d’accumulation. Mais il n’est pas un régime stabilisé ». p203

« On peut énoncer aujourd’hui, si l’on soutient que nous avons changé de capitalisme (de régime d’accumulation capitaliste, mais aussi, de plus en plus, de structure des droits de propriété et de nature des forces productives), qu’un rapport institutionnel ne peut se stabiliser, du point de vue capitaliste, qu’à partir d’une réinvention totale du code du travail dépendant (c’est-à-dire du travail pour le compte d’autrui) ». p215

On comprend bien que, dès le moment où l’on considère que notre entrée dans l’ère de l’information n’est pas une "révolution technique", touchant aux fondements de la civilisation, il ne reste d’autre solution que d’imaginer qu’il ne s’agit que d’une évolution du capitalisme lui-même, voire des Multitudes qui ont réussi à conquérir de nouvelles libertés pour le transformer de l’intérieur ! Par contre, si on admet que "le numérique change la donne", il est beaucoup moins crédible de postuler une continuité du capitalisme comme si c’était un système de production éternel et qu’il n’était pas lié historiquement à l’industrie ! Il est vrai qu’en le faisant remonter comme Braudel au commerce des épices, en parlant de "capitalisme mercantiliste" puis esclavagiste on brouille la compréhension du capitalisme comme système de production, son lien au salariat et à l’industrie sans lesquels il n’aurait pas acquis une telle domination mondiale. Là-dessus, Marx est pourtant sans ambiguïté aucune : "le capital et le salariat sont les deux termes d’un seul et même rapport" (Travail salarié et capital, p215). Comment pourrait-on avoir l’un sans l’autre ?

Il n’est bien sûr pas question de nier que notre économie est bien capitaliste, ni que c’est le capitalisme lui-même qui évolue et devient un "capitalisme cognitif" dont la financiarisation n’est qu’un symptôme. Sur ces points, on ne peut qu’être d’accord. Ce qui semble beaucoup plus paradoxal c’est de souligner toutes les contradictions entre l’économie informationnelle et le capitalisme pour conclure qu’il n’y a là qu’une instabilité à résoudre et non pas une incompatibilité plus profonde. C’est d’autant plus incompréhensible que les incompatibilités touchent au coeur même du capitalisme : les droits de propriété, la production de valeur et le travail salarié. Certes la bulle internet n’a pas arrêté le développement de l’économie immatérielle, ni même de la gratuité numérique, pas plus que la folie du rail n’avait arrêté l’extension des voies ferrés, mais il faut bien dire que les "business models" viables ne sont pas légions en ce domaine, en dehors d’un financement par la publicité qui plafonne rapidement. Ainsi, l’avantage décisif de la gratuité sur internet, supprimant les coûts de transaction et les coûts de reproduction, rend beaucoup plus que problématique la rentabilisation des investissements consentis alors même que la contre-productivité des droits numériques condamne à plus ou moins long terme toute tentative de maintenir l’ancienne logique marchande. Enfin, l’avantage technique des logiciels libres devrait assurer leur domination à l’avenir sur les produits commerciaux, bien que leur financement ne soit absolument pas résolu !

Le plus important malgré tout, c’est sans doute la nécessité de sortir du salariat au profit du travail autonome. La déconnexion de la production immatérielle et du temps de travail touche au coeur de l’extorsion de plus-value et remet en cause la séparation du salarié et de son produit qui en constituait la base (ce n’était pas son produit qu’on rémunérait mais son temps de subordination). Désormais, on se dirige inévitablement vers des contrats de projet avec obligation de résultat, c’est-à-dire vers des contrats proches des contrats commerciaux classiques et l’externalisation de la plupart des postes, au moins des plus créatifs. Tout cela, joint à la précarité galopante engendrée par le système et, donc, à la nécessité d’un revenu garanti donnant effectivement les moyens de sortir du salariat, laisse bien mal augurer d’une persistance du capitalisme, d’autant plus que la coopération devrait prendre le pas sur la concurrence ! Comment ne pas y voir la nécessité d’une véritable alternative, avec des nouveaux rapports de productions plus adaptées aux nouvelles forces productives ?

« A l’inverse, je soutiens que cette transformation profonde du salariat, son affaiblissement décisif, est une condition à la stabilisation institutionnelle d’un régime d’accumulation cognitive. Exactement comme l’abolition juridique de l’esclavage représenta la condition d’expansion complète du capitalisme industriel et de la salarisation planétaire qui est en train de s’achever sous nos yeux. Ceci implique que, précisément, le capitalisme a besoin de façon vitale non seulement de la coopération de la force-invention du "cognitariat" ou du "netariat", mais aussi de formes institutionnelles qui le consolident et le protègent de son instabilité intrinsèque. Cette instabilité tient justement à la difficulté de transformer en biens marchands les connaissances codifiées qui penchent désormais vers le statut de biens publics et qui sont difficilement protégeables par des droits de la propriété intellectuelle ». p213

On peut trouver très étonnant de rejeter ainsi l’hypothèse que le capitalisme aurait fait son temps et qu’un nouveau système de production serait appelé à le remplacer ! Il ne s’agit pas de prétendre bien sûr qu’on en aurait fini avec le capitalisme qui restera au coeur de la production industrielle et pourra même s’étendre sur un certain nombre de secteurs de la production immatérielle, mais simplement de constater qu’on entre désormais dans une toute autre logique productive et, qu’à côté du capitalisme, comme il était né lui-même au sein d’une économie féodale, d’autres rapports de production sont appelés à prendre de plus en plus d’importance, bouleversant à la fois circulation, distribution et production, constituant ainsi ce qui est bien un nouveau système de production. Celui-ci devra d’ailleurs non seulement être plus adapté à l’ère de l’information mais également aux contraintes écologiques qui se font de plus en plus pressante, permettant à la fois de sortir du productivisme du capitalisme salarial et de relocaliser l’économie, en partie du moins. Certes, ce ne sera pas la fin du marché pour autant, mais le marché ne se confond pas avec le capitalisme, comme on voudrait nous le faire croire trop souvent, et la gratuité des nouveaux biens communs devrait en faire reculer le périmètre malgré tout ("société avec marché", pas "société de marché").

...

On peut penser d’ailleurs qu’il n’est pas sans intérêt stratégique de persuader les économistes de l’intérêt pour le capitalisme de s’adapter à la nouvelle donne, en particulier par un revenu garanti (on a besoin de médiations et de médiateurs), mais, disons que ses conclusions nous semblent précipitées et nous laissent insatisfaits, avec un goût d’inachèvement dans l’analyse qui pour être le lot de toute connaissance, nous semble ici, tout de même, manquer peut-être l’essentiel...

« La production de connaissances continuellement renouvelées est également sans fin (...) Il en résulte une impression d’inachèvement, d’incomplétude, source d’angoisse à répétition ». p108

Thursday, March 20, 2008

interview avec JP Changeux


JEAN-PIERRE CHANGEUX - UN DES PIONNIERS DES NEUROSCIENCES ET DE LA COMPRÉHENSION DES CIRCUITS NEURONAUX ET CHERCHEUR À L'INSTITUT PASTEUR.

«Le cerveau humain est équipé de circuits culturels»
[ 12/03/08 ]

Quels sont les grands défis qui vont se poser aux neurosciences dans les prochaines années ?

J'en vois trois principaux. D'abord, il va falloir comprendre les raisons pour lesquelles le cerveau de l'homme est différent de celui du singe, qui est lui-même distinct de celui de la souris. Comprendre l'origine du cerveau humain sur le plan évolutif, c'est-à-dire déchiffrer les mécanismes génétiques qui interviennent dans son origine, est un projet très important. Un autre est d'essayer de définir les effets de l'apprentissage. Et surtout des conditions qui permettent la compensation d'un handicap ou une réhabilitation. Il y a toute une recherche qui se fait sur la plasticité du cerveau chez l'adulte. Il s'agit entre autres de la neurogénèse, qui doit permettre peut-être de remettre en place de nouveaux circuits après un certain âge. Je dis bien peut-être, car, pour l'instant, on en est loin. Mais c'est un projet qui me paraît réaliste. Et puis, le troisième volet concerne toutes les fonctions supérieures, passant par la cartographie fonctionnelle de la conscience ou de l'attention.

Comment atteindre ces objectifs ?

Tout cela va de pair avec deux aspects qui sont très technologiques : la modélisation et l'imagerie. Nous avons vu un exemple de modélisation de la motricité dans le cas de la lamproie, qui permet de simuler la nage. Mais nous sommes encore loin de pouvoir simuler les fonctions cognitives. Je pense que la modélisation est indispensable pour comprendre ce qui se passe dans le cerveau lors d'opérations conscientes ou non conscientes. L'autre aspect est la pharmacologie, pour laquelle nous connaissons une très grosse demande. D'une part, pour les maladies psychiatriques où on est loin d'avoir une pharmacologie optimale. Et, surtout, pour Alzheimer, qui est un véritable fléau pour les générations actuelles et à venir. Dans ce domaine, je dirais que presque tout est à faire.

Quelles sont les règles d'organisation du cerveau et quelle est la part de la génétique et de l'acquis ?

En fait, le cerveau conserve des règles d'organisation qui sont très semblables depuis les vertébrés inférieurs comme la lamproie jusqu'aux vertébrés supérieurs comme l'homme, avec une certaine invariance dans l'organisation des circuits. Thomas Jessel a montré qu'il y a une sorte de code combinatoire entraînant une distribution bien déterminée génétiquement dans la moelle épinière des neurones moteurs et des neurones sensoriels. Il y a donc un pouvoir des gènes dans l'organisation des ces circuits, avec une certaine invariance à travers l'évolution. Un des exposés présenté à La Jolla montre aussi qu'il existe, sur un modèle animal, la possibilité d'avoir une altération des circuits entraînant des troubles proches de la schizophrénie. D'où l'idée qu'il y a des contraintes génétiques importantes. C'est la même chose pour l'autisme. On a découvert des gènes qui interviennent dans la formation des synapses et entraînent des perturbations altérant l'interaction sociale. Le pouvoir des gènes est donc certain. Mais pour aller dans votre sens, il va de soi que le cerveau de l'homme et de nombreuses espèces animales est susceptible d'apprentissage. Cela veut dire qu'il y a des modifications de l'efficacité des synapses dans les réseaux et peut-être de l'organisation des réseaux eux-mêmes. C'est là qu'interviennent des phénomènes de plasticité qui, chez l'homme, paraissent plus importants que dans d'autres espèces.

Quelles sont les principales différences entre les cerveaux humain et animal ?

De la souris à l'homme, le nombre de gènes n'a pas tellement varié, mais le cerveau s'est accru considérablement en complexité. Parmi les grandes différences, il y a l'apprentissage du langage et de l'écriture. On peut dire qu'existent dans notre cerveau des circuits culturels. Ils sont liés à l'environnement dans lequel le nouveau-né est plongé depuis sa naissance et peut-être un peu avant sa naissance. Donc, nous avons une enveloppe génétique assez bien définie, dont l'altération peut entraîner des troubles pathologiques graves et, en même temps, des phénomènes épigénétiques liés à l'environnement. L'épigénèse peut éventuellement remodeler certains réseaux qui ont été altérés par des déficits génétiques. D'où l'importance de la prise en compte de ces phénomènes adaptatifs. Notamment pour les sujets ayant une lésion d'origine génétique qui n'est pas irrémédiable. Si ce problème est pris relativement tôt, il peut être l'objet d'une compensation.

C'est le cas de l'autisme ?

On peut très bien considérer que, si on détecte l'autisme relativement tôt, une prise en charge plus efficace puisse amener à améliorer la qualité de vie. Ces idées sont dans l'air depuis très longtemps et connaissent beaucoup de débats. Mais les démonstrations sont souvent difficiles à faire, car il faut arriver à déceler le déficit génétique tôt, et on ne peut pas comparer un enfant pris en charge avec un autre qui ne l'est pas. L'expérimentation chez l'homme est très difficile pour des raisons éthiques. Mais pour la dyslexie, et vraisemblablement la schizophrénie, une prise en charge précoce peut atténuer certains effets génétiques.

Que pensez-vous du plan Alzheimer ?

Les affichages politiques que j'ai vécus quand j'étais très jeune chercheur ont eu des impacts très positifs. Mais c'était sur des grandes thématiques scientifiques. Je suis plus hésitant en ce qui concerne des affichages de type médical. Je suis très concerné par les applications de la recherche, et une action centrée sur une maladie peut aider. Mais, parallèlement, il faut lancer des actions plus fondamentales, qui vont tirer la recherche. On ne peut pas prédire à dix ans la voie qui va apporter la solution pour prévenir ou enrayer l'évolution d'une maladie.

Faut-il réorganiser la recherche sur les sciences du vivant en France ?

Il est très important de restructurer les sciences de la vie dans leur ensemble. Mais ce serait dangereux de tout axer sur la médecine et les sciences biomédicales. Il y a une interrelation forte entre la biologie fondamentale et les applications médicales. Je dirais même que ce sont les progrès de la recherche fondamentale qui ont permis d'accéder à des nouvelles thérapies sur le cancer et la pharmacologie du système nerveux central. De même, ce serait une erreur gravissime d'exclure les sciences humaines et sociales de ces projets. A mon avis, il va falloir repenser nos théories de l'éducation de l'apprentissage de la lecture à la lumière des progrès réalisés dans des neurosciences. Il faut également associer aux sciences du vivant certains aspects des mathématiques et de la physique comme les modèles computationnels du cerveau ou de l'exploration par l'imagerie, comme cela se fait au CEA.

Pourquoi les applications de la science posent toujours un problème en France ?

Pour moi, les applications de la science font partie de mes devoirs de scientifique. Il y a un aspect de citoyenneté dans cette notion. Nous recevons des moyens qui nous sont offerts par nos concitoyens sous la forme d'un financement public. Cela fait partie de notre devoir que notre société en tire le maximum de bénéfices. C'est comme cela que fonctionnent les grands instituts américains comme le Scripps ou le Salk Institute où nous sommes. Ce modèle est d'ailleurs celui de l'Institut Pasteur.

Que pensez-vous de la recherche sur projet ?

Si l'évaluation est faite correctement et à un bon niveau international, la recherche sur projet est excellente. Elle ne doit pas remplacer totalement le financement des laboratoires. L'avantage du système français doit donc être maintenu, car il donne une certaine stabilité. Le financement sur projet apporte une véritable dynamique. Je suis favorable à ce principe. D'ailleurs, j'en ai été le premier bénéficiaire. Quand je suis revenu des Etats-Unis, l'action de la DGRST (*) a financé mes travaux et m'a donné une relative autonomie. Les aspects incitatifs jouent un rôle considérable dans la recherche et les financements de type ANR sont très importants pour les jeunes chercheurs. Mais à condition que l'on ne retienne que les dossiers d'excellence. La France pourrait avoir un système très harmonieux avec un juste équilibre entre les deux modes de financements...

Comment jugez les neurosciences en France ?

Depuis les années 1980, le financement de la recherche biologique n'a pas été suffisant. Il n'y a pas eu d'intérêt politique pour les neurosciences et la biologie. Les conséquences de cette forme de désintérêt se sont aussi manifestées sur le plan des applications biotechnologiques, qui ne se sont pas développé à la vitesse souhaitée. Nous avons d'excellents groupes de renommée internationale. Il faut les encourager par une évaluation plus internationale des travaux et par une libération des structures administratives.

PROPOS RECUEILLIS PAR ALAIN PEREZ

(*) Délégation généraleà la recherche scientifique et technologique qui avait la charge de la recherche dans les années 1960 avant la créationd'un ministère dédié à la recherche